Ni la richesse, ni la célébrité ne sont la clef du bonheur, selon la plus grande étude réalisée aux USA sur une période de 75 ans ( ! ) auprès de 724 Américains, par la prestigieuse université d'Harvard.
A la tête du "laboratoire du développement adulte" d'Harvard, le psychiatre américain Robert Waldinger a fait de la question "Qu'est-ce qui rend les hommes heureux", la quête de sa vie. En novembre dernier, lors d'une conférence TED, il dévoilait les tous premiers résultats de la plus longue enquête jamais effectuée sur le sujet. Pendant 75 ans, son département (dirigés successivement par quatre directeurs) a suivi 724 hommes issus de deux milieux sociaux différentes (des diplômés d'Harvard et des enfants d'un quartier pauvre de Boston) pour tenter d'identifier les raisons de leur bonheur au quotidien. Si aujourd'hui seuls 60 d'entre eux sont encore en vie, l'expérience se poursuit désormais grâce à leurs femmes et à leurs 2 000 enfants. "Nous les avons interviewés chez eux, récupéré leurs dossiers médicaux chez leurs médecins, scanné leurs cerveaux, filmé leurs conversations avec leurs femmes quand ils ont des soucis", explique Robert Waldinger, le responsable de l'étude.
Quelles sont les clés du bonheur ?
Les personnes les plus heureuses seraient les plus entourées par leur famille, amis, collègues, voisins. A l'inverse, les solitaires meurent plus vite.
Mieux vaut être célibataire ou divorcé, que de rester dans une relation qui nous rend malheureux. Car la qualité de nos relations impacte directement l'évolution de notre état de santé avec l'âge.
Sécurisantes, elles sont bénéfiques pour notre cerveau et notre corps. Et pour cause, les personnes qui ont eu une vie amoureuse et amicale stable disposent d'une meilleure mémoire en vieillissant.
Alors comment mettre tout cela en pratique ? "Les possibilités sont infinies, explique Robert Waldinger. Ce peut être remplacer du temps d'écran par du temps avec des gens, raviver une vieille relation en faisant quelque chose de nouveau ensemble ou rappeler ce membre de la famille à qui nous n'avez pas parlé depuis des années."
Un environnement chaleureux et stable durant l'enfance est l'ingrédient crucial d'une vie épanouie.
Les chercheurs d'Harvard ont suivi la population expérimentale ayant traversé des expériences aussi diverses que la guerre, la vie professionnelle, le mariage, le divorce, les enfants, les petits-enfants, la vieillesse, l'alcoolisme, la dépression et tout ce que la vie peut réserver de bonnes et mauvaises surprises.
Les caractéristiques psychologiques, anthropologiques mais également physiques, en passant de la taille du scrotum, au QI, aux signes d'alcoolisme ou encore aux relations familiales, ont donc été étudiées pour déterminer quels sont les facteurs qui contribuent le plus à l'épanouissement des hommes. Il s'agit donc de véritables tranches de vies recensées par cette entreprise comme l'explique dans une interview George Vaillant, psychiatre qui dirigea l'étude dès l'année 1966 et ce pendant plus de trente ans.
Dans "Triumphs of Experience" ("Triomphes de l'expérience"), George Vaillant révèle quelles sont les principales découvertes de l'étude. Et étonnamment, l'argent n'arrive pas en pole position des facteurs menant à une vie épanouie. Non, le principal point pour trouver le bonheur passe en fait par les relations bâties avec les autres et plus particulièrement avec ses parents pendant l'enfance.
Si l’argent ne fait pas le bonheur, la qualité des relations durant l’enfance permet d’être plus efficace et d’en gagner plus… ! George Vaillant revient en effet constamment au lien entre les relations que les hommes de l'étude Grant ont établi avec leurs parents, leurs femmes et le bonheur de toute une vie. Il montre ainsi que les 58 hommes qui ont eu les meilleurs scores pour les "relations intimes" obtiennent en moyenne 141 000 dollars de plus annuellement au pic de leur salaire, soit entre 55 et 60 ans, que les 31 participants qui ont le plus mauvais scores pour le critère "relations intimes". Selon le chercheur, tout n'est en fait qu'histoire de relations.
Cette étude sans précédent montre ainsi par exemple que les hommes qui ont eu de bonnes relations avec leur mère lorsqu'ils étaient enfant gagnent en moyenne 87 000 dollars de plus par an que les hommes délaissés par leur maman. De même, ces derniers ont plus tendance à développer des signes de démence lorsqu'ils sont âgés. L'étude associe également efficacité dans les dernières années de travail et bonnes relations avec sa mère à l'adolescence. Selon l'auteur de "Triumphs of Experience", une enfance heureuse est le meilleur facteur pour prédire la richesse du milieu et de la fin d'une vie. "Nous avons découvert que le bonheur à l'âge de 70 ans et plus n'était pas lié à la classe sociale des parents ni même à ses propres revenus. Non, ce à quoi le bonheur était intimement lié était à la chaleur de l'environnement familial pendant l'enfance" assure ainsi George Vaillant.
Le chercheur indique également qu'il est très important pour réussir sa vie de faire l'expérience d'une relation intime et stable pendant au moins dix ans, mais également de développer une ouverture à l'autre tout en faisant profiter de son expérience la prochaine génération. Les relations, toujours les relations…
Et George Vaillant d'expliquer que "les 75 années passées et les 20 millions de dollars dépensés dans l'étude permettent d'arriver à une simple conclusion de quelques mots : 'le bonheur, c'est l'amour. Point final.'